En ce matin du 17 octobre, j'arrive avec grande peine à 6900m. Le
passage du sérac à 6700m m'a complètement vidé. Je mange une barre
qui n'est pas gelée. Je creuse un petit trou dans la neige avec mon
piolet et y laisse mon sac à dos presque vide mais bien trop lourd.
J'attends Domi Sherpa qui a perdu du temps au sérac. J'espère qu'il
va me faire la trace pour les 200 derniers mètres. Il est accompagné
de Philippe. Domi grimpe plus facilement, et sans sac j'arrive à peu
près à le suivre.
Ma technique d'ascension est simple: marcher pendant 20
secondes puis s'écrouler sur son piolet pour reprendre son souffle
30 secondes plus tard: 100 à 150m de dénivelé moyen par heure.
Vers 7000m, Domi me lance 'too much wind, return camp three'.
Effectivement les nuages commencent à s'amonceler sur le sommet et
le vent devient modéré à assez fort. Je me retourne et Philippe me
dit de continuer. Mais Domi ne veut pas aller au sommet et me dit un
peu plus haut 'No possible Sir'. La réaction de Domi me met en rage,
s'arrêter à 100m du but me devient insupportable. Je le double et
lui prends 50m de longueur d'avance. A 50m du sommet, je me
retourne: il me fait signe d'arrêter et moi lui fait signe de me
rejoindre.
Finalement je continue et arrive au sommet 7126m vers midi soit
environ 8h après être parti du camp 3. Il n'y a aucune vue au
sommet. Je lève un bras et Domi plus bas me renvoie le même signe.
L'émotion est assez restreinte car la descente n'est pas facile. Je
suis totalement seul et je ne peux voir aucune joie dans le visage
d'un compagnon. Je décoche quelques photos. Tout à coup j'aperçois à
2m de moi un des ces oiseaux qui rodaient les poubelles du camp 3.
1min ou 2 après être arrivé au sommet, je descends.
Je me surprends de la facilité de ce début de descente. Je rejoins
Domi arrêté 50m en contrebas du sommet. Il me félicite et me propose
un deal étrange. A Katmandou, je devrai dire qu'il a été au sommet.
Cela est très important pour sa famille et son job. J'acquièse et
lui dessine le sommet sur la neige avec mon piolet: 5-6m de large,
étroit, arête de neige, quelques rochers en contrebas. Cela
l'énerve. Philippe arrive et me dit qu'il continue. Domi monte
finalement au sommet avec Philippe. Je ne les attends pas et
continue de descendre.
Je croise un peu plus bas Olivier, le grand Pemba sherpa, et Liliane
qui s'arracheront pour faire le sommet et ne pas pas s'arrêter à 50m
en contrebas. Pemba me félicite et me dit de faire très attention à
la descente. Je lui réponds dans son même anglais 'Yes, I am very
careful for descent, very careful'.
C'est South Asia Treks
que nous avons pris (demander Rinchen) Excellent rapport
prestations/prix
Nous étions 8 et le prix était de l'ordre de 2800 EUR /
personne tout compris (tentes, 2 sherpas d'altitude, nourriture
etc...). Les prix ont changé depuis (fréquentation etc)
Compagnie Biman (achat à Paris par correspondance, env 20kg bagages)
Les moins chers mais pas les meilleures
prestations. Au retour, être à l'aéroport impérativement 3h avant le
décollage.
Une escale au Bengladesh pas très cool (pendant
la mousson, apporter minimum de l'anti-moustique même à l'aéroport)
En résumé
Super sommet dans une région reculée du Népal (sauf au début sur le
tour de l'Annapurna).
Taux de réussite plutôt élevé.
Le trek n'est pas négligeable (8 jours à l'aller) depuis Besisahar
(au retour, un passage par Naar est très conseillé)
Il faut faire 3 camps d'altitude (une descente du camp2 au camp3
=> c'est à dire une remontée au retour),
Météo en général stable, pas de chutes de sérac mais un risque
d'avalanche au dessus du camp 1 (le dernier jour aussi si face
chargée)
Le sommet devient "à la mode" et il y a maintenant pas mal d'expés
par saison (topo rentré sur camp-to-camp
)